Le hamac

Je vous partage aujourd’hui un texte que j’ai écrit, il y a un an pour un concours de récit. C’est la première fois que je le partage publiquement. J’y raconte ce que je vivais, il y a trois ans. Moment émouvant que je n’oublierai jamais. Je vis ailleurs depuis l’été dernier, toujours en nature, mais encore aujourd’hui, je repense souvent à ses arbres qui m’honoraient de leurs présences, avec une profonde émotion, car ils vivent toujours en moi. Leur empreinte est gravée en moi.

Le hamac

« Tiiiii tiiiii tiiiii tiiiii tiiiii! » Je cherche des yeux la provenance du petit cri répétitif. Entre deux branches, un tamia m’exprime nerveusement la crainte que lui inspire ma présence sur son territoire. La brise légère transporte les effluves humides de la forêt environnante. Suspendue entre deux chênes, au-dessus d’une berge rocheuse, j’inspire et expire en profondeur, question de signifier à mon corps qu’il peut s’abandonner enfin. L’omniprésent murmure de l’eau ruisselant entre les roches me rappelle le ronronnement de mon chat. Je remue mes orteils nus à l’autre bout du hamac en souriant. La couleur de la fine toile me rappelle le lagon de Bora-Bora. Des cris d’oiseaux fusent ici et là. Allongée, je me laisse bercer par cette nature apaisante. La cime des arbres ondule de gauche à droite dans un mouvement hypnotique.

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Une boule se forme dans ma gorge, mes yeux picotent. Je les ferme. Mon bonheur coule sur mes joues et je me surprends à répéter trois fois merci en silence. Un sentiment de liberté généralement associé aux vacances m’habite, pourtant je n’aurai droit à aucune vacance cet été! Où que mon regard se pose n’est que beauté et nature, réalité que je devrai apprivoiser, car je suis ici chez moi.

Un bref instant, je culpabilise de me sentir si bien, seule, loin de ma fille qui vit pour la première fois sans moi à Montréal.

– Tu dois absolument aller à cette entrevue en campagne, maman! Ce travail est fait pour toi. Tu pourras enfin réaliser ton rêve de contribuer au monde de demain et de vivre enfin en pleine nature.

– À quoi bon, puisque tu m’as dit ne pas te sentir prête à vivre seule à Montréal!

– Ne t’occupe pas de cela, maman. Vas-y et on s’organisera ensuite. J’ai quand même 19 ans! Comme tu me le dis toujours, nous trouverons une solution. Tout ce que je sais, c’est que tu dois y aller.

Ce fut rapide. Coup de foudre professionnel.

– Vous pouvez commencer dans une semaine?

– Certainement!

Un grand héron remonte avec élégance la rivière en l’effleurant presque. Il ne m’a pas vue. Je fais partie de ce grand tout. Je me replie en position fœtale. Le tamia poursuit son monologue.

– Maman! Pendant ton absence, j’ai réfléchi et j’ai vraiment envie de trouver des gens qui se cherchent une colocataire.

– Tu es certaine?

– Absolument.

Dès mon retour d’entrevue, nous sommes allées porter notre résiliation de bail, quatre heures seulement avant la fin de la date limite. Les synchronismes s’enchaînaient à une vitesse impressionnante. Pressentant le changement, notre chat est subitement tombé malade, m’obligeant à l’accompagner dans son dernier voyage, trois jours avant mon départ. Je vivrais apparemment seule mon isolement volontaire en forêt. Les émotions fusaient de toutes parts. Pendant quatre mois, je dormirais au bureau et je reviendrais à Montréal trois jours semaine jusqu’à nos déménagements respectifs.

– Maman! Trop cool! J’ai trouvé un appartement génial que je partagerai avec 3 techniciens de son! Nous aurons une salle de musique où je pourrai mettre ma contrebasse et mon piano.

Elle s’organisait très bien sans moi. J’étais émue, fière d’elle, mais aussi troublée. Un tourbillon d’émotions se mélangeait à mes changements hormonaux.

Une petite souris montre le bout de son nez entre les plants de prunelle qui obstruent son passage souterrain. Rapide comme l’éclair, mon chat s’élance de son promontoire rocheux, ratant sa cible de peu. Déçu de n’avoir pu attraper sa proie, il va s’abreuver à la rivière, observe le courant un moment, puis regagne son poste d’observation.

Alors que je logeais encore au bureau, un soir de semaine, j’ai aperçu un chat errant qui s’en allait au loin. Ma fille et mon matou me manquaient.

– Minou, minou?

Il s’est tourné vers moi, ses yeux se sont écarquillés et il a semblé s’exclamer « Ah! C’est toi? ». Comme dans une scène de film au ralenti, il s’est élancé vers moi. Avant que je ne réalise ce qui se passait, il était sur moi, léchant avec frénésie mes oreilles et embrassant ma bouche sans gêne comme si nous nous retrouvions après une trop longue séparation! Nous savions déjà tous les deux qu’un lien précieux venait de se créer entre nous. Nous serions inséparables. Je le sortais de l’errance dont il ne semblait pas vouloir, alors qu’il m’aidait à apprivoiser la fin de ma monoparentalité et cette toute nouvelle liberté.

Assise en tailleur sur la toile légère du hamac, je songe aux ressemblances entre la rivière et la vie qui nous pousse inexorablement vers l’avant. L’eau ne se questionne pas à savoir où elle se retrouvera dans une semaine ou un mois. Elle s’abandonne aveuglément au courant.

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C’est ce que j’ai fait à l’époque en promenant ma jeune vingtaine autour de la planète avec mon sac à dos. Je ne me posais jamais longtemps lorsque je rentrais au pays. Inconsciente de fuir quelque chose, j’étais à la recherche de l’inconnu. Ce n’est qu’en rentrant de France avec mon bébé de 18 mois que j’ai commencé ma véritable quête : la rencontre avec moi-même. Ce petit ange qui dépendait totalement de moi, me forçant à quitter ma vie de nomade, m’avait en réalité permis de me remettre au monde et d’apprendre à aimer celle que je fuyais : moi-même.

Je me suis mise à observer le monde autrement, allant jusqu’à devenir végétarienne une dizaine d’années avant la mode actuelle. Nous vivions une simplicité bien involontaire, afin que je puisse être plus présente pour ma fille qui m’exprimait son besoin de passer plus de temps avec moi. Consciente de l’urgence de changer nos modes de vie, je rêvais de nature, d’autosuffisance et d’un travail qui me permettrait de contribuer à un monde meilleur. Quand je m’imaginais terminer mes projets d’écriture, je me voyais au bord de l’eau, entourée d’arbres. Ne voulant pas priver ma fille de la possibilité de voir son père régulièrement et de poursuivre ses études, je patientais, ayant même accepté de vivre là où nous devions garder les fenêtres fermées en été pour ne pas entendre les avions en approche de l’aéroport.

Mon chat se déplace avec grâce, puis renifle une talle de menthe sauvage, à la recherche de la souris. Cette variété envahissante prolifère près de la rivière. Juste à côté, quelques plants de verge d’or ondulent au vent. Je projette d’en faire sécher à la fin de l’été, car cette plante médicinale est très utile pour traiter les infections urinaires. Je vois maintenant des trésors là où d’autres n’y verraient que mauvaises herbes.

Quel privilège d’enrichir chaque jour mes connaissances en travaillant avec de chevronnées herboristes dans une école d’herboristerie en ligne. Chaque jour, je parle à des passionnés de par le monde qui veulent étudier les plantes médicinales, les faire pousser, les transformer et les utiliser pour une plus grande autonomie au niveau de leur santé et de celle des autres dans leur région. Contribuer à ma façon à retransmettre ce savoir donne un tout nouveau sens au monde de demain dans lequel évolueront ma fille et les générations futures. J’y vois enfin de l’espoir. Il y a tant à faire!

De l’autre côté de la rivière, je vois, sans le distinguer, quelque chose bouger. Un castor ou un lièvre peut-être? Il est impossible de se sentir seule dans la forêt. Les arbres dégagent souvent plus d’énergie que les gens que je côtoyais en ville. Je ferme les yeux et savoure la sensation de bien-être qui m’habite. J’ai encore un peu de mal à réaliser quece bonheur fait désormais partie de ma réalité quotidienne. J’inspire. Merci.new-hammock

Dix mois plus tôt, je me suis arrêtée net devant un étalage de hamacs dans un magasin entrepôt. Très compact, chaque hamac logeait dans un étui plus petit qu’un ballon de football. Il n’en restait qu’une douzaine. Il m’en fallait un. C’était fou. Que ferais-je d’un hamac dans notre appartement de l’arrondissement Saint-Laurent? J’étais figée sur place à fixer les petits paquets turquoise, me voyant déjà allongée dans ce hamac au bord de l’eau, dans un futur chez-moi en nature. Rien ne pressait, car j’étais encore loin de réaliser mon rêve. Pourtant, j’avais la sensation que c’était ce hamac qui me mènerait vers lui. Je l’ai acheté.

Un mois après avoir commencé mon nouvel emploi, avant même de me mettre à chercher un endroit où habiter, une série de synchronismes m’a conduite à une petite maison qui, me disait-on, serait bientôt vacante. Situé en forêt au bord d’une rivière, le terrain était enchanteur. En m’approchant de la berge, j’ai découvert une énorme roche plate entre deux puissants chênes. Dans chacun de leur tronc était enfoncé un énorme crochet argenté, où attendaient des attaches à hamac…

 

par Toutarmonie

Difficile au revoir

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Plusieurs personnes ne comprennent pas l’attachement que certains d’entre nous peuvent avoir avec leurs chats. Je peux vous dire que pour moi, les chats sont de magnifiques compagnons de vie. Ils sont intelligents, indépendants, authentiques et chaleureux. Lorsque la connexion est établie entre un humain et un chat, les deux se parlent du regard. Le mien s’exprime beaucoup avec ses yeux! Je le trouve plus authentique, plus vivant qu’une grande majorité d’humains. Oui, c’est un triste constat…

Ce chat, il m’avait choisie… Oui! Oui! Pour de vrai. Étant allergique aux chats, je n’en avais plus. En visite chez le frère de mon copain de l’époque, un chat gris élancé avait sauté sur mon épaule. Rien d’agressif. Il avait juste très envie de venir sur moi. Le maître de ce chat était étonné, car ce n’était pas du tout dans ses habitudes. Il m’avait réellement adoptée! Puis il a éternué! Je savais ce qu’est cette grave maladie féline. Mon copain, connaissant l’amour que je portais aux chats et voyant l’affection que me portait celui-ci, m’a proposé de le ramener. Son frère ne savait plus quoi faire de tous ses chats, et celui-ci, m’a-t-il dit, n’aimait pas du tout aller dehors. Il fallait le forcer. Il avait peur. C’était compréhensible, car il n’avait plus d’odorat avec toutes ses sécrétions. D’ailleurs, il lui manquait une touffe de poil au raz de la peau du cou, car il s’était réfugié trop près d’un moteur d’auto, m’avait-on raconté. Je le savais atteint de la rhino des chats. Il éternuait, toussait et des sécrétions contenant du sang sortaient de son nez. Il fallait donc le traiter et espérer qu’il soit assez fort pour combattre cette maladie. Il fallait également que je ne sois pas allergique. Alors, nous avons fait une attente d’essais pour 3 semaines.

Zoubi bébé

Ce n’est qu’un peu plus tard que je m’étais souvenue avoir pris ce chat en photo 6 mois auparavant alors qu’il était bébé, en 2007. Déjà, il avait hérité de la maladie de sa mère via ses sécrétions. Heureusement pour lui, son système immunitaire fut assez fort pour que le traitement le guérisse. Bien que guéri, il allait toute sa vie être porteur de la maladie sans la transmettre, car pas en phase active. Cependant, il fallait lui éviter le stress sinon ça pouvait se déclencher. À cause de cela, il n’avait pas une très bonne vision. En effet, son œil gauche coulait des larmes rose sang régulièrement (cicatrice de sa maladie) et il ne voulait absolument pas sortir à l’extérieur, se sachant probablement vulnérable. Ça tombait bien, car à cause de ce dont il était porteur, il aurait pu facilement retomber malade en compagnie des chats errants. Il me suivait partout, tout le temps. Vous comprendrez que je ne suis pas allergique à ce chat-là. Pourtant, je ne me prive pas de le caresser et de mettre mon nez dans sa douce fourrure. Un chat sur mesure qui m’avait choisie. Comme j’ai pas mal toujours travaillé de la maison, il travaillait avec moi. Il inspectait même mon travail! Des coussins, il y en a dans chaque pièces de la maison, afin qu’il puisse me suivre confortablement. Il a participé activement à notre vie familiale pendant huit ans et demi. Il est devenu mon ami, mon amoureux, le petit frère de ma fille, mon confident, mon associé (il décidait quand il fallait faire les pauses), mon clown, car il sait être drôle. Il dormait toujours avec moi… jusqu’à récemment.

Bien que je lui donne de la nourriture composée de viande, ce chat préfère les légumes verts et les herbes de toutes sortes! Pour une végétarienne, que demander de mieux!!!

Mais voilà, sa santé s’est dégradée… Nous avons commencé à nous en apercevoir en septembre avec une dent qui se déchaussait… infection de la gencive… et puis il s’est mis à miauler avant et après les visites à sa litière… et puis je l’ai vu pleurer devant les escalier pour que j’aille le chercher, car il avait mal… Je me disais que c’était la vieillesse… Puis ça s’est détérioré rapidement. Il couinait souvent lorsque nous le prenions doucement,  jusqu’à ce qu’on remarque que ses coussinets et ses gencives noirs se décoloraient! Pas bon signe cela… Et nous avons compris que récemment, ses regards insistants nous appelaient à l’aide afin d’abréger sa souffrance.

C’est donc le cœur gros que lundi matin, nous l’amènerons chez le vétérinaire afin de l’accompagner pour son ultime voyage. Nous l’avions sauvé d’une mort certaine et lui avons procuré 8 années 1/2 d’amour et de partage réciproque. Il m’a tellement donné!!! Je ne crois pas aux hasards. Je demeure persuadée que ce chat avait une mission avec moi et celle-ci arrive à terme. Cela tombe pile avec une foule de changements majeurs dans ma vie. Je croyais que Zoubi en ferait partie… mais la vie en a décidé autrement!

Je ne suis pas triste pour lui… car je crois que les chats, comme tous les autres animaux, sont pure énergie! C’est la raison pour laquelle nous les aimons tant. Ils ne jouent pas la comédie, ils n’ont rien à cirer du « paraître », ILS SONT, tout simplement. Ils sont la vie, le vrai et quand un chat vient vers vous, c’est parce qu’il en a vraiment envie.

Je me souviendrai toujours du dernier jour du chat de mon enfance qui a vécu 17 ans. Je revenais du Mexique. Mon chat vivait sa retraite en campagne chez mes grands-parents. Quelque chose avait éclaté en-dedans de lui, avions-nous appris plus tard. Toute la journée, il n’avait pas bougé. Il restait collé aux pierres de la cheminée. On voyait qu’il souffrait. Ma mère et moi comprenions que nous devions abréger ses souffrances, mais comment l’amener chez le vétérinaire? J’avais alors déposé une grande serviette rose sur le sol et à notre grand étonnement, il s’était immédiatement déplacé jusqu’au centre de la serviette et nous regardait avec un air suppliant. Il était prêt!

C’est ainsi d’ailleurs que nous devrions envisager la mort… comme un départ vers autre chose. C’est pour ceux qui reste que c’est difficile… Alors oui, je l’avoue qu’égoïstement, je suis triste du départ imminent de notre matou adoré. Je sais aussi cependant que cela représente une nouvelle étape. Ils ne sont pas dans nos vies pour rien. Ils nous apprennent énormément de choses, si on se donne la peine de les ressentir. Ce chat m’a appris que je n’avais besoin de personne pour être heureuse… sauf que lui, il était quelqu’un, et je sais que je devrai faire le reste du chemin pour finaliser son enseignement…

On les aime, on les pleure, mais on doit les porter dans notre cœur comme des étoiles qui illuminent notre chemin.

Je vous invite à m’envoyer vos pensées d’amour lundi matin à 11:30 heure de Montréal, car je resterai avec lui jusqu’à la fin…

2015-11-17 00.10.21

Toutarmonie